La Muse Chapter 1
LA MUSE
Chapitre 1
La place Dauphine ensoleillée de Paris était pleine de sérénité et illuminée par le chant des oiseaux insouciants. Sur un banc public, main dans la main, deux jeunes hommes se regardaient dans les yeux en souriant. Ils se parlaient à voix basse. Leurs rires murmuraient comme une source fraîche dans les montagnes. Leurs visages pétillaient de leur joie de vivre.
Derrière l'œil de son appareil photo, Soan Hō ne les perdait pas de vue. Leur affection mutuelle animait quelques étincelles empathiques dans son regard. Son appareil assurait la capture de l'instant magique, ce que Soan appelait le point G : la dernière seconde, torride et touchante, avant que l'un des amants n'embrasse l'autre, avant que la tentation ne cède à l'inévitable.
Soan les vit s'embrasser langoureusement. Il immortalisa cet instant brûlant, pour eux. Les deux hommes l'avaient contacté via son site d'exposition en ligne : pour marquer le premier anniversaire de leur relation, ils avaient voulu qu'il les suive dans les rues romantiques de Paris et les photographie. Ils avaient proposé de le payer à l'heure. Mais il avait appliqué son tarif habituel, sans rechigner, peu importe le temps investi. Il les trouvait si beaux, si charmants qu'il venait de demander l'autorisation de publier l'un de leurs clichés les plus "sensuels". A sa suggestion de recadrer l'image pour cacher leurs visages, les amoureux avaient répondu qu'ils n'avaient rien à cacher de leur relation.
Soan, malgré les nombreuses photos prises, savait déjà laquelle il publierait : l'un des jeunes hommes avait ouvert la chemise de son ami et déposé un baiser soyeux sur sa poitrine. En noir et blanc, la scène aurait un puissant effet érotique.
Les deux amoureux serrent chaleureusement la main de Soan qui leur promet que toutes leurs photos seront disponibles en ligne d'ici 24 heures. Le jeune photographe les salue, les regarde s'éloigner et pénétrer dans une bouche de métro.
Il range son matériel dans le sac dédié, avale une longue gorgée d'eau tiède mais bienvenue. Un coup d'œil sur son smartphone : 17h ! Il est temps pour lui d'aller se défouler.
A environ 1100 kilomètres de Paris, à Wyk auf Föhr dans le nord de l'Allemagne, dans la villa de vacances huppée de sa famille, Meike Koch, debout sur le perron, saisit rapidement le bras du garçon qui s'apprête à partir. Ce dernier, le visage rouge de l'effort, sourit et accepta son baiser furtif. Meike l'invite à revenir le voir au plus vite.
"S'il te plaît, n'attends pas si longtemps notre prochain rendez-vous !"
"Bon, je reviens demain soir : ça te va ?", propose Erwin Werner. "Ensuite, je dois aller en Croatie avec ma famille."
"Je frissonne déjà !"
Meike sourit à plusieurs reprises à Erwin jusqu'à ce qu'il tourne le coin.
Une fois la porte verrouillée, Meike descendit nonchalamment au sous-sol où se trouvaient la salle de bain, la lingerie et le chauffage. Une visite d'Erwin était toujours un excellent moyen de se défouler ; il avait hâte de le revoir. En ce moment, il avait vraiment besoin d'une douche, qui le revigorait et réveillait sa faim. Nu, il remonta au niveau supérieur.
Même si minuit approchait, sa nuit ne faisait que commencer. Les vacances d'été lui permettaient de se coucher et de se lever tard. Il prépara une assiette de salade de pommes de terre avec une vinaigrette légère et de la laitue, qu'il mangea dans le silence de la grande villa qu'il occupait seul, ses yeux et les doigts de sa main libre surfant sur l'écran de sa tablette numérique.
Connecté à son profil Instagram, dans le module des publications enregistrées, il récupéra une photo postée par un certain "Mr_Ho". Il regarda la photo pour la vingtième fois : elle montrait un couple d'amoureux, deux beaux garçons, dont l'un embrassait le cou de l'autre. Le dévêtissement partiel de ce dernier, dont on apercevait le téton, donnait à ce cliché une touche d'érotisme à la fois subtile et enivrante.
Dans le commentaire, il lut « Le feu de l'amour à Paris ». Un hyperlien sur lequel il cliqua le conduisit vers un blog intitulé « La galerie de Mr. Hō ». Meike reconnut les couleurs douces et la présentation. Il avait déjà visité, et aimé, ce site : une sorte de salle d'exposition numérisée où M. Ho exposait et vendait ses photos. Meike passa de l'onglet « Nature et paysages » à l'onglet « Animaux » et atteignit le dernier : « Nus ».
Meike aimait les paysages et les animaux mais surtout les nus masculins proposés dans cette section. Aucune vulgarité n'en ressortait bien que certains clichés frôlaient la pornographie tout en restant esthétiques. Certains des modèles, probablement amateurs, pleins de charme, faisaient baver Meike.
Le jeune homme rangea la cuisine, lava ses couverts et son assiette. Il se rendit ensuite dans sa chambre où il s'assit devant son ordinateur portable. Revenant rapidement sur son profil Instagram, il hésita mais finit par ouvrir une discussion avec M. Hō. Ses doigts restèrent hésitants, planant au-dessus du clavier. Quels étaient les meilleurs mots pour entamer une conversation avec un inconnu ?
"Salut, photos sexy !"
Envoyer.
Deux heures de taekwondo, un repas léger avec ses coéquipiers et une conversation avec ses parents rythmèrent paisiblement le début de soirée de Soan Hō. Finalement, il arriva chez lui, heureux de s'affaler sur son canapé. Il soupira profondément et brandit son smartphone. La curiosité lui fit froncer les sourcils lorsqu'il reçut la notification d'un message privé sur son Instagram.
Il sélectionna le profil de l'expéditeur du "Salut, photos sexy !" Il s'agissait d'un certain Meike K., dont les informations ne comportaient qu'une seule mention : "mannequin masculin". L'absence de référence d'agence lui indiquait qu'il s'agissait probablement d'un mannequin amateur, ceux qu'il préférait. Par contre, l'œil de Soan fut attiré par les photos publiées sur le profil, attirées principalement par le visage et...
"Wow" soupira Soan en regardant le ventre nu de Meike et ses fesses dénudées. "Beau mec", dit-il.
Il reprit aussitôt le fil ouvert par Meike et répondit :
"Bonsoir et merci ! Les tiennes sont aussi très sexy !"
"Tu es gentil, merci."
"De rien."
Soan regarda les photos publiées par Meike les unes après les autres, décrivant son apparence en silence : cheveux châtains courts, yeux marrons, visage propre et parfait, sourire de tueur, peau tannée. Mais Soan s'attarda sur deux clichés : celui du ventre de Meike et celui montrant son dos aux lignes délicates et ses fesses fermes et nues.
Il partage le dos nu avec son interlocuteur :
"J'adore !"
"Tu es sympa. C'est ma préférée !"
La discussion entre Meike et Soan prit le chemin de la bienveillance et du respect. Peu à peu, Soan sentit que Meike était plutôt ouvert. Alors, il lui dit franchement que ses images de nus lui plaisaient particulièrement. Puis, une fois ses propos envoyés, il pensa qu'ils pourraient mettre Meike mal à l'aise. Déconcerté, il s'en assura.
"Bien sûr que non, j'apprécie tes commentaires."
"Qui te photographie ?"
"Je suis mon propre photographe ! C'est une sacrée aventure, parfois !"
Soan sourit.
"Bon travail ! Tu te débrouilles bien. Tu veux faire carrière ?"
"Oui, dans le mannequinat !"
Comme il se faisait tard, Meike mit poliment fin à la conversation.
Soan resta un moment sur le profil et les photos de son interlocuteur, faisant des allers-retours entre les images les plus sensuelles. Ses iris scrutèrent longuement le visage de Meike. Il se surprit à se mordre l'intérieur des lèvres.