La Muse

Published on Nov 25, 2024

Gay

La Muse Chapter 2

LA MUSE

Chapitre 2

Chaque matin juste après sa douche, dans son plus simple appareil, Soan s'installait sur un haut tabouret accolé au mange-debout de la cuisine, enregistrant les commandes passées sur son site web. Il personnalisait un message de remerciement adressé à chaque client, tout en mangeant un copieux petit-déjeuner de fruits, céréales, lait et en général, buvant un bon café.

Ce jour-là pourtant, son esprit restait difficilement concentré. Il se laissa plusieurs fois tenter par les photos en ligne de Meike, celles en noir et blanc, celles de ses nus, qui avaient suscité en lui, au réveil, une violente érection qu’il avait dû apprivoiser.

Celles aussi de son visage avec ses yeux de braise intense, de ses sourcils fins et de son sourire incroyablement communicatif. Soan avait beau se raisonner, l'intérêt pour le modèle débutant accroissait en lui une forme de fébrilité. Il soupira.

Il devait se reprendre pour s'équiper et dénicher de beaux paysages. Son téléphone sonna au moment où il décida de bouger : sa grand-mère Aline apportait toujours le soleil à ses journées.

"Salut Mamie !"

"Bonjour, Soan", chanta la vieille femme, "comment va mon petit-fils ?"

"Je ne sais pas : je vais lui demander !"

Aline éclata de rire.

"Tu es tellement taquin avec moi !"

"Et toi, comment ça va ?"

"Oh, je suis chanceuse d'être encore de ce monde."

"Arrête ! Tu es insubmersible !"

"Tu es gentil. Que dirais-tu de profiter de la villa pendant un mois ?"

"Un mois !", fit Soan, souriant. "C'est carrément bien. J'accepte évidemment. Où pars-tu ?"

"En Thaïlande puis en Corée !"

"Tu vas trouver une seconde jeunesse là-bas ! Attention, Mamie, les Coréens sont des bombes !"

"Arrête tes bêtises ! J'ai passé l'âge depuis longtemps !"

"Pas d'âge pour la viande fraîche, Mamie ! Tu peux bien t'amuser un peu !", plaisanta encore Soan.

Aline ne pouvait pas s'empêcher de rire. Soan était le seul de ses petits-enfants à s’autoriser de telles blagues avec elle. Il adorait amuser sa grand-mère.

"Ça me fait du bien de t'entendre ! J'aimerais te voir plus souvent aussi !"

Soan mordilla ses lèvres intérieures tandis que ses iris semblaient capturer au vol des idées virevoltant devant lui.

"Tu pars quand ?"

"Dans une semaine..."

"Okay alors je vais préparer mes affaires et je prends la route."

"Oh tu n'es pas obligé..."

"Tu vas retirer ces mots de ta bouche ; ça me fait plaisir de venir te voir."

Il entendit un sanglot contenu, sourit et lui proposa :

"Je pourrai t'accompagner à l'aéroport."

Aline soupira et le remercia.

"Normal, Mamie!"

Le prêt par sa grand-mère paternelle de sa villa à Sainte-Atlantes modifiait les projets immédiats de Soan : la recherche de paysages à immortaliser pouvait attendre. Tant de choses seraient possibles à Sainte-Atlantes de ce point de vue.

Commandé par une sorte de réflexe, il se connecta au profil de Meike : son visage, son abdomen, ses épaules, sa poitrine...

"Tu fais du sport", commenta-t-il.

Il visita quelques billets proposant des montages sur lesquels Meike se mettait en scène avec un célèbre acteur que Soan connaissait davantage pour sa carrière de modèle.

Une peinture les présentait devant la Tour Eiffel. Cela amusa Soan qui imagina facilement le cœur de Meike battre pour cet acteur dont Soan reconnaissait la beauté ravageuse et le charme fou.

Le jeune photographe tenta de deviner, au-delà du regard de Meike, qui il était, son histoire, sa vie quotidienne, ce qu'il recherchait. Instinctivement, il se mit à mordiller l'intérieur de ses lèvres et fronça les sourcils : et si..., et si... et si...?

"Je vis en France, et toi ? Tu as quel âge ?", envoya Soan, qui se laissa emporter, écrivant encore : "On pourrait peut-être se parler en visio, non ?". Mais il effaça cette dernière question.

Il s'étira et réalisa que Meike venait de lui répondre. Comme un gosse affamé qui se précipiterait sur une tablette de chocolat savoureux, il lut :

"Allemagne. J'ai 20 ans. Et toi ?"

"25."

Soan fixa l'écran : trois points s'animaient dans la boîte de dialogue, indiquant que Meike rédigeait. Puis ils disparurent, revinrent mais s'effacèrent encore.

"Tu en es où ?", lui demanda-t-il : "tu as des contacts ?"

"Pas vraiment."

“Tu débutes ; ça va venir !”

“J’aime beaucoup tes photos de nus.”

“Merci !”

“C’est érotique… J’adore. Est-ce que tu en fais encore des plus érotiques ?”

“Certaines que je ne publie pas sont assez… Disons, qu’elles sont presque pornos.”

“Bon sang !”

Une nouvelle fois, Soan vit trois petits points s’agiter en bas de l’écran. Il sourit quand ils disparurent, revinrent avant de repartir. Pause. Puis ils revinrent.

“Quel genre de photos ferais-tu avec moi : artistique ou érotique ?”

“Les deux !”

“J’adore aussi.”

“Et que réaliserais-tu comme photos érotiques avec moi ?”

Avant de répondre, Soan regarda les billets de Meike.

“Plutôt noir et blanc, suggestives : le genre qui te donne chaud. Je crois que j’aimerais te mettre en scène avec un autre garçon, vous photographier juste avant le baiser, avant la caresse…”

“Ce serait très amusant.”

“Dis-moi, c’est quoi ces références à William ?”, s’amusa Soan.

“Oooh, j’adore ce mec ! Il est tellement beau. Je suis fan depuis des années.”

Les traits de Soan se teintaient d’amusement au fur et à mesure des exclamations de Meike ; celui-ci partagea plusieurs photos du fameux William. Soan appréciait ces images mais lisait avec attention les commentaires admiratifs de Meike.

“Si je comprends bien : tu craques pour lui.”

“Ah oui ! Je rêve qu’on soit ensemble sur un shoot… Tu nous prendrais en photo ensemble, nus l’un près de l’autre et on banderait ! Ensuite, il m’emmènerait dans la chambre et il entrerait dans mon cul. Il me baiserait toute la nuit.”

“Sacré fantasme !”

“Oh si tu savais les rêves que je fais avec lui…C’est torride.”

Après quelques secondes de pause, Soan demanda :

"Vas-tu partir en vacances ?"

"Mes parents sont en plein divorce. Alors je profite de la villa de vacances avant qu’ils ne la vendent. Je vais rester ici. Et toi ?"

"Je vais partir dans le sud de la France, près de la frontière espagnole, sur la côte Atlantique. Ma grand-mère me prête sa villa pendant un mois."

"Wow, je t'envie ! Tu vas être au soleil !"

“Oui, mec ! Soleil, piscine à volonté, pas de vis-à-vis, tranquillité absolue ! Il y a de magnifiques coins pour prendre de belles photos de paysages."

"Au fait, comment sélectionnes-tu tes modèles ?"

"Je surfe, je repère des profils et j'entre en contact. Souvent, c'est l'inverse."

“Tu me sélectionnerais ?”

"Eh bien, tu es photogénique, beau et plutôt inspirant. Oui."

"Merci, tu es gentil. C’était cool de te parler mais je dois filer. On se recontacte ?”

“Oui !”

A Wyk auf Föhr, Meike reçut un simple message d’Erwin :

“Désolé pour ce soir. Empêchement. Bises.”

Meike soupira, déçu. Il décida de se rendre à la plage et d’aller nager. Le contact avec Mr_Ho… Monsieur Hō ? Il n’avait même pas pensé à demander son prénom. Il s’empara de son smartphone :

“Au fait, quel est ton prénom, Mr Hō ? D’ailleurs, de quelle origine est-ce ?”

“Mon prénom est Soan. Hō est d’origine vietnamienne. Mon grand-père avait ses racines là-bas.”

“Merci Soan. A plus tard !”

Meike, tout en se préparant pour la baignade, réfléchissait : il aimait décidément bien le travail de Soan. Ce serait vraiment une nouvelle expérience de confier à un photographe, un travail sur lui.

Non ! Il devait revenir à son quotidien : il devait nager. Alors qu’il s’apprêtait à sortir, Soan l’appela en vidéo. Quand il accepta l’appel, il faillit tomber à la renverse : le visage fin de son interlocuteur français puisait de solides racines en Asie du sud-est. Son cheveu noir et court se mariait parfaitement avec sa peau légèrement hâlée.

“Désolé de bousculer un peu la porte, Meike ! A tout hasard, voudrais-tu me rejoindre sur mon lieu de vacances ? On pourrait commencer à réaliser un portfolio pour toi.”

“Ouah mais… Tu ferais ça ?”

“Oui !”

Meike dissimula mal son sourire. La soudaineté et l’importance de la proposition le prenaient un peu de court.

“Je… M’accordes-tu un peu de temps pour réfléchir ?”

“Je peux t’accueillir dans une semaine, si tu es partant.”

Le jeune modèle s’assit sur son lit, le regard perdu.

“Bon sang, Soan ! Mais pourquoi tu ferais ça ?”

“Quel photographe n’aimerait pas te photographier ? Tu es beau. Ce serait une chance pour moi. Je te propose de travailler quelques jours avec moi.”

“Je réfléchis et je te recontacte. Merci, Soan.”

La discussion s’arrêta. Meike s’affala à la renverse sur le lit. Il couvrit son visage de ses mains, se tut et souffla. Il bondit du lit et quitta la villa pour la plage. Dans son speedo noir et rouge, lunettes de natation sur les yeux, il s’aventura dans la houle tranquille de la mer du Nord et nagea.

En région parisienne, la valise de Soan fut rapidement prête, tout comme son matériel professionnel dont son précieux ordinateur portable. Vivre dans une chambre de bonne lui convenait parfaitement. Sa logeuse, une vieille dame, lui réclamait un loyer très modeste ; cela lui permettait de limiter ses coûts. Les ventes de ses photos, notamment les tirages sur papier de qualité, lui rapportaient de bonnes marges. Sans publicité excessive, il avait commencé à se faire un nom. Désormais, il recevait même des commandes originales pour des mariages ou des baptêmes qui généraient de bons revenus pour le service et pour les supports tels que les cadres.

Alors, il aimait bien sa Toyota Yaris hybride. Confortable, malléable, performante, elle l’emmenait partout. Il installa ses affaires dans le coffre, salua sa logeuse qu’il avait prévenu de son absence pendant un peu plus d’un mois et prit le volant. En avant pour une longue route.

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